Journal de confinement - Semaine 5

10 avril

Le luxe de ne rien faire et de se perdre dans l’atemporalité

À peine un orteil dehors le temps d’une marche

Rien de trop éloigné

Au cas où

Quand Grand corps malade nous demande ce qu’il nous restera des effets secondaires de cette pandémie

Mais les individualistes ne sont pas conscients de leur tare et ils ne changeront pas

Mais je vais continuer d’espérer pour la peine

J’ai créé un nouveau défi d’enseignement autour de cette question

Vous le voyez comment votre après

Plus de marches dehors sans doute

Plus de contemplation

Les bourgeons se frayent un passage à travers la froidure

Plus d’empathie

Peut-être que ça s’apprend de ressentir plutôt que d’essayer de comprendre en vain

Depuis le point de presse, j’ai dans la tête la pièce «Oh les beaux jours!» de Beckett parce que François a dit que les beaux jours s’en venaient

C’est drôle et pas drôle

11 avril

J’ai dessiné un utérus

J’ai enfin envoyé mon projet de maitrise pour la collecte de données

J’ai but deux cafés avec de la canelle et du miel

J’ai participé à un concours d’illustration

J’ai écouté Paul Houde qui faisait des blagues pas drôles mais drôles parce que c’est Paul Houde

Je suis triste de voir le peu de respect que l’on porte pour nos ainés et pour les gens qui s’en occupent

J’ai commencé un nouveau roman de jeunesse parce que j’aime ça les romans de jeunesse

Je suis nostalgique

J’ai fait des biscuits et j’ai essayé de rattraper les muffins ratés d’hier mais c’est trop sucré maintenant

12 avril

Si on oublie les bribes de nouvelles sur le triste sort des ainés de ce matin

Ma journée de Pâques était une réelle pause sur la réalité comme c’est censé l’être en temps normal

Une journée sans penser à la pandémie

Une journée à l’extérieure à marcher comme s’il n’y avait pas de lendemain

À jouer

À écouter un film d’ados des année 90

À lire

À boire du café

À manger des biscuits

Ça m’a fait du bien

13 avril

Un peu tannée de rédiger ce journal

Difficile d’écrire quand tout est pareil

Chaque journée

Identique

J’essaie de ne retenir que le positif

Peut-être pour mentir à la future moi qui lira ce journal

Peut-être parce que je suis de nature positive et que je préfère mémoriser les bons moments

Mais en vérité il n’y a pas une seule journée qui passe sans que je ne me sente coupable

Coupable d’être fatiguée des enfants coupable de crier coupable d’avoir besoin de mon mari pour venir à bout de trois enfants coupable de ne pas en venir à bout malgré tout coupable d’être toujours fatiguée coupable de ne pas organiser plein d’activités pédagogiques coupable de leur laisser écouter la télévision coupable d’en profiter pour boire un verre et écouter la télévision coupable de ne plus faire de yoga coupable de ne pas travailler coupable de me sentir coupable

Et pourtant je ne voudrais jamais devenir cette mère qui organise une routine militaire stimulante et éducative

Ce n’est simplement pas moi

Je préfère la désorganisation et sa spontanéité et sa créativité et son bonheur éclatant

Alors finalement je me sens moins coupable et je me rappelle les bons moments

J’ai passé une belle journée même si je suis fatiguée tannée gossée

14 avril

Heureusement

Je peux sortir dehors

Et me promener

15 avril

Parler à mes amies

Ça fait du bien

Marcher aussi

Manger des guimauves

Écouter un spectacle en ligne

Manger un fajitas végé

J’ai saupoudré le tout de travail parce qu’il faut bien profiter de ce confinement pour avancer mes projets

16 avril

Je me demande ce qu’on va retenir de cette crise

Que les infirmières et les préposées aux bénéficiaires sont dévalorisées et sous-payées que l’éducation nécessite une réforme dans sa structure que les qualifications des immigrants devraient être reconnues plus facilement que les femmes sont plus touchées par ce genre de crise que les hommes que l’isolement en dit long sur un couple que l’égocentrisme et le nombrilisme sont plus forts que la bienveillance et le partage que l’analphabétisme est un problème urgent que l’essentiel semble exclure l’éducation que rien faire quand c’est obligatoire c’est pas l’idéal

Je sillonne les rues de mon quartier et la fine neige tombe pour nous rappeler que peut-être le temps s’est arrêté et que le printemps est lui aussi confiné

J’exagère un peu

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